PROTOCOLE DE RELANCE

NOMINATION
Anne Buguet nominée aux Prix belges de la critique 2013 
pour la scénographie de  Protocole de relance
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D’après Si ce n’est plus un homme de Nicole Malinconi, Editions de l'Aube, 2010
Adaptation et mise en scène : Myriam Saduis
avec Nicole Colchat 
Scénographie et costumes : Anne Buguet
Assistanat à la mise-en-scène : Murielle Texier
Vidéos : Joachim Thôme
Lumière : Michel Delvigne
Bande sonore : Jean-Luc Plouvier
Régie : Marie Kasemierczak et Lili Daenen
Voix/présences : Lucile Urbani, Murielle Texier et Myriam Saduis
Production du Théâtre Poème 2, Bruxelles. Créé le 14 mars 2013 au Théâtre Poème 2.




©Serge Gurwith

Dès la première lecture de Si ce n’est plus un homme de Nicole Malincoli, que Nicole Colchat m’a proposé de mettre en scène, j’ai entendu ce que seul un véritable écrivain parvient à dire, par le mouvement même de son écriture : que la déshumanisation à l’œuvre dans notre monde - que l’auteur s’attache à relever, à penser et à décrire - a aussi partie liée avec le langage. Cela faisait écho à d’autres lectures qui m’avaient remuée, telles que LQR, Lingua Quintae Respublicae d’Éric Hazan. LQR est une analyse minutieuse de la langue française produite par les médias sous la Ve République et sa dérive vers la novlangue libérale qui gagne toute l’Europe… LQR est une forme d’hommage à LTI, Lingua Tertii Imperii de Victor Klemperer, linguiste juif allemand qui, au fil de la guerre de 39-45, a tenu un journal, au risque de sa vie, où il analysait chaque jour les effets de la propagande nazie à la racine de la langue : dévoiement des mots, du sens, du propos, jusqu’à les délester de toute signification réelle. 

L’écriture de Malincoli, sans concession ni sentimentalisme aucun, est une écriture de combat, précise, sans fioritures, habitée par l’insomnie, tenue en éveil par le désir de scruter dans le langage lui-même comment le monde contemporain se fabrique, le plus souvent à notre insu. 

Une écriture soucieuse de peser chaque mot pour en déduire le poids de silence et d’anéantissement que portent, en germe, ces termes qui voltigent sur nos écrans : hypercompétitivité, protocole de relance, précaires, décideurs, partenaires officiels, donneuses de gamètes, licenciements secs… 

Avec la précision, la causticité et l’ironie comme armes, Malinconi ne se contente pas de dénoncer, elle nous ramène du côté de l’étonnement : mais que nous raconte-t-on ici ? – Qu’est qu’on nous chante-là ?   

Cette femme qui nous parle, que les mots tiennent éveillée loin de toute « splendide isolation », ne se dérobe pas à écouter le bruit du monde, et sa place est claire : du côté des sans voix, résolument, des sans papiers, sans domicile, sans travail... 

Ces héros dont elle nous parle, ce sont nos frères, nos frères en souffrance humaine. On entend leurs voix fébriles et questionnantes réduisant la langue des puissants d’aujourd’hui à dévoiler ce qu’elle contient : rien, rien qui vaille. 

Myriam Saduis


©Serge Gurwith